mercredi 13 mars 2013

En hommage à Stéphane Hessel avec Marie de Hennezel

En hommage à Stéphane Hessel, ces quelques lignes de l'interview qu'il m'a donné en 2010 pour "la chaleur du coeur empêche nos corps de rouiller ". 

 Stéphane m'a parlé de sa foi dans l'invisible et m'a parlé d'un texte de Rilke, qu'il a découvert et qu'il vient de traduire. Rilke répond à un ami qui lui dit qu'il aimerait comprendre Les Elégies à Duino. Rilke lui écrit une lettre de sept pages. 

Au coeur de ce beau texte, on lit ceci : « ce que j'ai découvert c'est que la vie est encadrée par l'invisible, que les anges vivent dans cet invisible. Et que notre tâche à nous les hommes est de transformer le visible en invisible. Nous sommes des abeilles qui butinons l'or du visible pour en faire la trame de l'invisible. » 

Ce texte indique que le fait d'être mortel nous autorise à tirer la substance de la vie et à lui donner corps en nous, de sorte qu'elle transperce les frontières de la vie sur terre. Naturellement la poésie fait partie des éléments qui nous rapproche des anges. « Notre tâche, écrit Rilke, est d'imprimer en nous cette terre provisoire et caduque, si profondément, si douloureusement et passionnément que son essence resurgit invisiblement en nous. Nous sommes les abeilles de l'invisible. Nous butinons éperdument le miel du visible pour l'accumuler dans la grande ruche d'or de l'Invisible. » 

Je demande alors à Stéphane pourquoi cette phrase de Rilke le touche tellement. Elle résume, me dit-il, à merveille la mission de chacun d'entre nous. Les hommes sont capables de prendre en main la destinée de l'espèce. Or l'espèce humaine a acquis une dimension immense, au cours du siècle dernier. « Elle a une capacité nouvelle à être. Ce qu'elle a découvert sur elle-même depuis Freud et Einstein, cette transformation implique une responsabilité. L'homme est responsable de l'homme. Il ne peut pas se comporter n'importe comment. »



source : slog de Marie de Hennezel